Pourquoi Margival ?
Aujourd’hui encore, le choix du site de Margival est entouré de mystères. Il existe beaucoup de possibilités qui naviguent entre légendes et vérités. Dans ce chapitre, nous allons découvrir une partie de celles-ci et je vais apporter une réflexion qui en donnera peut être une autre.
Dès 1938, l’Allemagne prenant l’excuse d’études géologiques pour un groupe de jeunes scouts, fit venir dans le secteur de Margival une équipe de géologues qui effectua des forages et prélèvements. Pourquoi et si tôt l’Allemagne aurait-elle prévue de construire quelque chose à Margival ? Si on étudie l’installation des quartiers généraux d’Hitler pendant la campagne de Pologne, de France et de Russie on peut en déduire qu’Adolf Hitler a toujours implanté ces quartiers généraux sur des sites proches du front. Il faut savoir qu’il existait plusieurs quartiers généraux en Europe.
Bad-Polzin, Bruly-de-Pesche (W1), Margival (W2), Vendôme (W3), Rastenburg, Berchtesgaden, Berlin etc...
Lorsque la guerre fut déclenchée, Adolf Hitler en a conduit personnellement les combats. Depuis 1938, il est le chef suprême des armées Allemandes (Wehrmacht). A chaque fois qu’il ordonnait l’installation d’un quartier général, celui-ci fut réalisé autour d’une structure relativement légère. Quelquefois il occupait même des lieux anodins tels que la salle d’attente d’une gare.
Les implantations des quartiers généraux étaient le plus souvent constituées d’un groupement de maisons en bois camouflées dans les forêts, protégées par des pièces anti-aérienne, d’artillerie ainsi que par un bataillon d’infanterie
(führerbeiglebataillon) spécialisé dans la protection des quartiers généraux. Quelques bunkers de protection étaient coulés en cas d’attaques aériennes.
Pendant les campagnes, Hitler suivait la plupart du temps les combats, dans un train spécial, où tout son état major était réuni. Ce train spécial était mis autant que possible à l’abri dans un tunnel. Le train spécial d’Hitler portait le nom de code AMERIKA et se composait de :
-2 locomotives.
-1 wagon blindé de Flak (canon anti-aérien de 20 mm plus 26 hommes).
-1 wagon à bagages.
-1 wagon de commandement, équipé des moyens de transmissions.
-1 wagon spécialement aménagé pour Hitler.
-1 wagon pour la sécurité (Begleikommando SS).
-1 wagon restaurant.
-2 wagons lit.
-1 wagon salle de bain.
-1 wagon restaurant n°2.
-2 wagons lit (personnel).
-1 wagon pour la presse.
-1 wagon pour les bagages.
-1 wagon blindé de Flak.
Soit 15 wagons et 2 locomotives faisant une longueur de plus ou moins 250 mètres.
Le site de Margival comprend un tunnel long de 647m qui passe sous le plateau du Chemin des Dames à une profondeur de plus de 30m . Ce tunnel dit « tunnel de Vauxaillon » est-il le seul facteur ayant déterminé le choix de Margival ? Jusqu’en 1942 même 1943, l’aviation allemande avait la maîtrise de l’air sur le territoire français, ce qui permit à Hitler de voyager entre l’Allemagne et la France par avion sans aucun danger. L’utilisation du tunnel de Vauxaillon par le train spécial d’Hitler n’a jamais été vraiment prouvé.
Une autre hypothèse sur le choix du site de Margival serait le fait qu’Adolf Hitler ayant combattu sur le Chemin des Dames en 1918 au 16ème régiment d’infanterie, connaissait bien la région et sa valeur stratégique. Pendant le premier conflit toutes les carrières souterraines de la région furent utilisées par les Allemands pour abriter la troupe, ce qui aurait été un facteur supplémentaire.
Si nous combinons tous ces facteurs, nous arriverons à une hypothèse plus vraisemblable.
Le site de Margival se situe dans une vallée encaissée bouchée à une extrémité. Large de quelques centaines de mètres et longue de plus d’un kilomètre, cette vallée comporte des versants très pentus où affleurent des bancs de calcaire creusés d’une multitude de carrières souterraines pour certaines très vastes.
La vallée recouverte d’une Forêt abondante facilitait le camouflage des constructions. Au-dessus de cette vallée, de vastes plateaux agricoles permettaient l’installation de pièces anti-aérienne.
La position géographique du site de Margival se trouve à quelques 150 kilomètres seulement de la mer du Nord (invasion de l’Angleterre). Elle est en plus, entourée par plusieurs aérodromes (Crépy-Couvron, Samoussy, Chambry, Juvincourt). Ces facteurs combinés à l’existence du tunnel ainsi que la connaissance du secteur par Hitler ont été sûrement déterminants pour le choix de Margival. Un autre facteur à prendre en compte pour le site de Margival et la fabrication du béton : c’est l’eau. Les versants boisés autour du W2 sont truffés de sources au débit important. Le captage de ces sources fut probablement le premier travail réalisé par l’organisation Todt au début des travaux.
Un quartier général doit aussi être accessible à tous les réseaux de communication possible. Margival, dans son implantation, disposait de deux gares, une à chaque entrée du tunnel. Celle de Vauxaillon qui, reliée au réseau S.N.C.F. de Laon, permettait de communiquer avec la partie Nord de la France ( bassins miniers du Nord et de Lorraine et à l’Allemagne). Celle de Margival, qui reliée au réseau S.N.C.F de Soissons, donnait accès sur Paris et le reste de la France (mur de l’Atlantique).
Les plateaux permettaient l’atterrissage de petits avions de reconnaissance. Le hangar et l’atelier d’aviation, situés au lieu dit « le pont rouge », le prouvent. L’encaissement de la vallée, pour terminer, rendrait très difficile un bombardement du site. Etant peu large, il aurait fallu à l’aviation alliée, qu’elle effectuasse l’opération à basse altitude, ce qui l’aurait rendue très vulnérable à la Flak.
Après l’armistice avec la France, celle-ci est coupée en deux par une ligne de démarcation. Au Nord, la zone occupée est, elle aussi, coupée en deux ce qui rend toute la partie Nord Pas de Calais, Picardie, Ardenne, Meuse, Alsace-Lorraine et Vosges zones interdites. Dans l’Aisne, la rivière du même nom délimite cette zone interdite. Margival, par cette découpe géographique, devient le QG le plus à l’Ouest des territoires occupés par les armées allemandes, donc symbolique pour la propagande nazi.
Jusqu’en 1944, année du débarquement, les constructions sur le secteur de Margival ne feront pas beaucoup parler d’elles auprès des Alliés. Pour ceux-ci, il ne sera question, que de fortifications comme tant d’autres, que l’ennemi a coulé sur tout le littoral français. Pourtant la venue de Rommel en janvier 44, donnera lieu à plusieurs rapports de la résistance locale et à une surveillance plus étroite du site.