Les légendes de Margival.
Dans tous les lieux qui ont été marqués par l’histoire, nous trouvons toujours bon nombres de légendes ou d’anecdotes plus invraisemblables les unes des autres. Nous ne comptons plus les légendes de tunnels qui vont soit disant de Soissons à Coucy le Château ou celles de trains remplis de munitions qui se trouvent enterrés dans quelques carrières mystérieuses, que seul le narrateur connaît mais dont il ne veut pas dévoiler l’endroit tenu secret. Margival étant un ancien QG d’Hitler, ne déroge par à la coutume. Quantité de celles-ci est basée sur des histoires transmises de bouche à oreille par des personnes qui les tiennent d’autres personnes et ainsi de suite. Le plus souvent, soit de leurs familles qui ont connu l’occupation ou d’un ancien qui débordait de récits plus incroyables les uns des autres. Le manque d’archives augmente la possibilité, que ces dires pourraient avoir une part de vérité. Pendant la rédaction de cet ouvrage, j’ai été confronté à ce genre d’histoire et je me suis toujours efforcé de connaître la vérité en me basant sur des faits écrits ou par des constatations sur le terrain. Il y a deux genres de légendes qui planent sur Margival, celles datant de la construction et celles d’après guerre. Pour bien évaluer ces histoires il ne faut pas oublier que pendant la construction, presque aucune troupe ne surveillait les chantiers et que les requis pendant le repas de midi ou à la soupe du soir pouvaient se parler et se transmettre des informations qu’ils avaient pu glaner dans la journée. Puis, lors de la libération la présence des Américains, la profusion de matériels et de ravitaillement après quatre années de privation pouvait faire tourner la tête de certains. Chacun connaît le jeu enfantin du téléphone arabe, qui consiste à se transmettre une phrase de bouche à oreille sur plusieurs personnes et qui fini complètement déformée au bout de la chaîne. Les légendes de Margival sont du même type, elles ont tellement été racontées que chacun y a ajouté un petit quelque chose qui rend plus pittoresque son récit. Dans ce chapitre je vais essayer de démontrer le manque de sérieux de toutes ces légendes.
La galerie secrète.
Celle qui remporte le plus de succès est sans aucun doute l’histoire de la galerie souterraine qui irait du tunnel jusqu’au chalet d’Hitler. Pour bien comprendre, il faut restituer les choses dans l’espace réel (voir plan). Le chalet se situait à flan de colline au-dessus du bunker d’Hitler sur une plate forme bordée par une balustrade en fer. Le tunnel, lui se trouve quelque cent mètres plus bas, en empruntant le sentier construit par les Allemands. Là aussi, la dénivellation et la topographie du terrain rendent peut vraisemblable une telle construction. On peut se dire que rien n’était impossible à l’organisation Todt. Si galerie il y a, elle débouche directement dans le tunnel SNCF donc des traces doivent être visibles sur les plans d’avant reconstruction de celui-ci, datant de 1970. Le bureau du génie militaire de Laon que j’ai contacté n’a pu me renseigner sur la présence d’une galerie. Sur les plans qu’il possédait et qui ont été transmis à la direction générale du génie de Lille aucune trace de galerie. Les services techniques de la SNCF ne possèdent pas non plus de trace de galerie sur les plans avant travaux. Alors d’où vient une telle histoire ? Dans les livres que j’ai compulsés il est fait mention de trois aérations avec sorties de secours qui auraient été creusées par les allemands. Ces sorties de secours ne seraient- elles pas à l’origine de la légende et si elles existent, malgré les travaux, les sorties doivent être encore là. Par un des heureux hasards de la vie, j’ai fait la rencontre d’un ancien du génie militaire de Laon, Monsieur Buczynski, qui m’a appris que toutes les aérations des tunnels SNCF étaient toujours verticales pour permettre une évacuation rapide des fumées de locomotives et que si elles existaient, leurs débouchés se trouveraient sur le plateau de Neuville sur Margival. Avec l’aide des images satellites que l’on peut visionner sur Internet, j’ai effectué des recherches mais là aussi, aucune trace de cheminée, contrairement à celles que l’on peut apercevoir sur le dessus du tunnel de Vierzy. Là encore, je me trouvais sur une mauvaise piste. Je continuais mes recherches par une exploration sur le terrain. Avec l’aide d’une carte IGN j’arpentais de long en large avec mon ami Thierry Depret les bois aux alentours du tunnel. Une carrière passant au-dessus de celui-ci attira notre curiosité. Mais là aussi, après une recherche approfondie, nous fîmes chou blanc. Pourtant cette carrière possède trois sorties de secours bétonnées qui ressemblent à des cheminées. Ces trois sorties pourraient être à l’origine des sorties de secours du tunnel, car leurs implantations sont perpendiculaires au tunnel.
* Vue en enfilade du tunnel et une des sorties de secours de la carrière. (DL)
Ces constructions auraient pu tromper quelqu’un qui ne serait pas descendu pour voir le débouché de ces aérations.
Seule une petite galerie inachevée creusée, au bord de l’ancienne route d’accès au camp, retint notre attention. Son entrée bétonnée comporte des portes blindées étanches de type 19 P7 que l’on trouve dans bon nombre de bunkers, ainsi qu’une sortie de secours. Son implantation et l’orientation de ses deux galeries peuvent faire penser à une ébauche de sortie de secours du tunnel. Le travail qui fut abandonné en cours de route ne pouvait même pas permettre son utilisation comme dépôt de munitions ou de matériels.
Une autre hypothèse vient du témoignage d’un ancien militaire, l’adjudant chef Michel Lamotte qui travailla au camp de 1968 à 1978 comme responsable de casernement au 129 C.E.C. Il me relata qu’il avait vu, lors d’une visite du tunnel, la présence, près de l’entrée côté Margival, d’une voûte percée dans le mur de brique qui débouche sur un éboulis. Cette voûte pouvait elle-être l’entrée de la galerie ? Malheureusement non. Car si une telle construction avait existée, elle devait se trouver à l’intérieur même du tunnel au-delà des portes blindées qui se trouvaient respectivement à quatre vingt et cent vingt mètres des entrées. Cette galerie éboulée n’était que le reste d’une sape que les Allemands avaient percée pendant la première guerre. Creusée à droite de l’entrée, elle permettait de pénétrer à l’intérieur du tunnel dont les accès avaient été dynamités par les troupes françaises. L’envie de me rendre moi-même dans le tunnel me tourmenta longuement mais l’interdiction et l’article sur l’accident du tunnel de Chézy sur Marne me dissuada rapidement de tenter une telle expédition. Mais il est des folies que d’autres ont déjà fait et je fis la rencontre d’une personne qui avait parcouru le tunnel sur une certaine longueur et qui avait constaté la présence d’échelles qui débouchaient sur de petites galeries en brique. Mais là aussi, les faits sont loin de la légende, car se sont tout simplement des galeries d’évacuation en cas d’accident dans le tunnel, qui furent installées dans la voûte en béton, lors de la réfection du tunnel en 1970. Malgré toute l’énergie dépensée pour retrouver cette galerie, seul un début de creusement fut découvert dans le banc de pierre derrière le chalet d’Hitler mais celui-ci fut construit sur l’emplacement d’une ancienne carrière de pierre à ciel ouvert. Cette taille date donc d’avant la construction du W2.
*En haut : photo du tunnel en 1917. La galerie creusée par les Allemands à droite de l’éboulis.
*En bas : galerie pouvant être une des sorties de secours inachevées du tunnel. (DL) (Web)
Y- a - t’il vraiment eu une galerie qui allait du tunnel au chalet ?
Vraisemblablement pas. Si le train du Führer était venu à Margival il aurait déposé celui-ci prés de la petite gare côté Margival et une voiture l’aurait conduit à son bunker tout proche, qui stratégiquement a plus d’importance que le chalet. La protection des trois mètres de béton armé de ce bunker et ces installations étaient plus rassurantes que la voûte humide du tunnel. Les portes ne prouvent pas que celui-ci devait servir d’abri au Führer. Lors de sa venue le 17 juin 1944, pendant l’alerte aérienne, il se réfugia bien dans son bunker et non dans le tunnel.
Je crois qu’après toutes ses recherches vaines, les gens ont pris pour galeries les petits refuges qui étaient construits dans les voûtes de brique des tunnels d’avant guerre et que jusqu'à preuve du contraire il ne fut réalisée aucune galerie, ni sortie de secours dans le tunnel de Vauxaillon – Margival sûrement faute de temps.
* Reproduction d’un plan fait en septembre 44 par les Américains.(CL)
Des câbles et des portiques supportaient les filets de camouflage tendus au-dessus des voies sur une longueur de cent mètres.
La piscine d’Eva Braun.
En restant dans la même partie du camp, près du chalet, nous avons la piscine qui possède aussi sa légende. La légende voudrait qu’Eva Braun, qui se trouvait être la maîtresse du Führer, serait venue s’y baigner pendant la guerre. La sachant très sportive et aimant la natation celui-ci aurait voulu qu’une piscine lui fut construite. Là encore, la légende n’est fondée sur aucun fait historiquement prouvé. Maintenant, avec tout ce que nous savons sur la vie de cette femme, nous pouvons contredire cette histoire. Dans son livre « j’étais garde du corps d’Hitler » Rochus Misch décrit très bien la vie cloîtrée qu’Eva Braun subissait. Adolf Hitler la cachait de tout le monde sauf de son entourage très proche et la séquestrait presque au Berghof à Berchtesgaden. Lui même qui naviguait par sa fonction de garde du corps dans l’entourage très proche du Führer n’apprit son existence qu’en 1944. Il ne faut pas oublier qu’elle ne se déplaçait avec le Führer que dans des lieux à l’intérieur de l’Allemagne, et que sous aucun prétexte Hitler ne l’aurait emmenée sur le front ou en pays occupé. De plus, rappelons qu’Adolf Hitler n’est venu à Margival que le 17 juin 1944 en pleine bataille de Normandie, ce qui fut sa seule visite dans son QG. Autre fait à prendre en compte, le Führer bunker ne comporte dans l’abri anti-aérien qu’une seule chambre avec cabinet de toilette, alors que dans celui de la chancellerie à Berlin une chambre particulière était réservée à la maîtresse du Führer. Dans son livre encore, Rochus Misch raconte très bien la vie d’Adolf Hitler dans son quartier général du Wolfsschanze à Rastenburg, endroit où il passa la plus grande partie de la guerre. Dans ce lieu, il s’entourait exclusivement de militaires, les seules femmes qui avaient droit d’être présentes étaient ses secrétaires et le personnel féminin de santé. Jamais Eva Braun ne s’est rendue dans cet autre QG où son amant résida longtemps. Un autre acteur de l’histoire, Albert Speer dans son ouvrage « au cœur de III Reich » témoigne de l’attitude que Hitler avait avec ses proches au sujet de sa maîtresse. Elle n’était présente que lors des moments de détente et s’effaçait dès qu’il était sujet d’affaires d’ordre politique ou militaire. Mais revenons sur le terrain pour comprendre.
* Piscine dans son état actuel et moi descendant dans un regard blindé du système d’alimentation en eau situé entre la piscine et le chalet. (DL)
Hitler n’était pas particulièrement sportif, la seule gymnastique qu’il faisait était sa petite promenade quotidienne après le déjeuner.
Alors pourquoi faire creuser une piscine à Margival ? Peut être fut-elle installée pour le personnel du camp ? Si nous regardons les plans de construction du quartier général nous apercevons au-dessus de cette piscine deux réservoirs d’eau en béton armé. Ces réservoirs captaient les eaux de sources pour alimenter les bunkers en eau courante. Cette eau collectée était ensuite acheminée par des tuyaux d’acier jusqu'à une station de pompage. Dans mes recherches je fus orienté vers un site Internet Polonais qui parlait des QG d’Hitler.
J’y appris qu’à Margival une citerne d’eau d’une contenance d’environ quatre vingt mètres cube fut construite pour alimenter la locomotive à vapeur du train spécial du Führer. La piscine d’une contenance largement supérieure (150m3) peut être cette citerne. Son implantation rend très plausible cette hypothèse. Entre autre son ouverture à ciel ouvert empêchait son utilisation pour la consommation à cause des risques d’empoisonnement de l’eau.
Mais une photo est venue troubler mes pensées. Dans des archives américaines il existe une image de cette piscine prise en septembre 1944. Sur cette vue nous voyons le bassin dans le même état qu’actuellement mais camouflé par un filet suspendu sur des poteaux et il y avait déjà deux échelles pour y descendre. Avec cette dernière découverte, nous pouvons penser que ce bassin pouvait être utilisé comme piscine, sa proximité avec le chalet qui était aussi une salle à manger pouvait en faire un lieu de détente pour les beau jours. En cas de besoin elle pouvait servir de réserve d’eau pour les incendies et à l’alimentation de la locomotive. Malheureusement Eva Braun n’est jamais venue s’y baigner au grand désespoir des soldats.
* La piscine dans les années 1970. (coll. : Laurent)
* Station de pompage dans son état actuel. (DL)
Les emmurés vivants.
Dans cette partie nous allons aborder les histoires concernant les ouvriers ou prisonniers qui furent noyés dans le béton des bunkers de Margival. Je vais vous relater la chose comme je l’ai entendu de plusieurs personnes. Dans les années soixante dix, un ancien médecin de la Wehrmacht s’est présenté au poste de garde du camp de Margival avec l’intention de visiter l’endroit où il avait effectué un service pendant la guerre. L’officier de permanence demanda au sous-officier de casernement de bien vouloir accompagner ce visiteur dans l’enceinte du camp pour la visite. Celui-ci devant le bloc n° 8 (019 numérotation française) a relaté le fait qu’un prisonnier polonais se serait noyé dans la coulée de béton après y avoir fait une chute et que son corps est toujours prisonnier de celui-ci. Un autre témoignage nous vient d’un Breton requis du STO qui aurait assisté à la chute d’un camarade épuisé de fatigue dans le coffrage du bloc n°22 (057). Pour comprendre, il faut bien visualiser le type de construction qui nous concerne. Nous sommes devant deux bunkers bureaux construits pour les services administratifs du W2. Construit en béton armé, coulé dans des coffrages de bois, leurs murs sont d’une épaisseur de soixante centimètres seulement et une dalle d’un mètre compose la couverture. Tous les bunkers allemands sont fabriqués de la même manière. Ils comprennent un coffrage soit perdu (qui reste dans la structure) soit démontable. A l’intérieur de celui-ci, un ferraillage fait de fer à béton d’un diamètre de douze millimètres s’enchevêtre tous les vingt à trente centimètres. Ce ferraillage arrivant presque jusqu’au bord du coffrage est noyé pendant la coulée dans un béton liquide pré contraint à prise rapide. Sur les images que nous pouvons voir, les ouvriers sont debout dans cette structure pendant leur travail et l’on s’aperçoit bien qu’il serait difficile de s’y enliser tant l’espace entre les fers est réduit. Il est fort probable que pendant la construction du W2 des hommes à bout de force, lors de coulées soient tombés dans les coffrages, emportés par le poids des brouettes de ciment, mais ils n’ont pu s’y noyer. Le rythme du travail leur a valu sûrement une douche de ciment accompagnée de réprimandes des surveillants de l’OT mais leur noyade est peu plausible. Le récit des témoins n’est pas à remettre en cause et je me garderai bien de les traiter de fabulateurs mais les souvenirs sont parfois si confus que leurs interprétations au pied de la lettre peut être sujet à controverses.
Les ouvriers qui ont travaillé à la construction de cette partie du camp étaient pour la plupart, des prisonniers ou des requis encasernés. ces histoires de chantier sont sûrement passées de bouche à oreille et furent déformées au fil du temps. Seule une démolition des bunkers cités, démontrerait la véracité des dires. Il existe peut être des rapports qui pourraient un jour me démontrer que j’ai tort.
* Ferraillage d’un gros bunker . (Web)
Margival base de V1 ou V2.
Le point de rapprochement entre Margival et les armes secrètes d’Hitler dates de sa venue le 17 juin 1944. Nous avons vu que ce jour là un V1 déréglé était tombé à quelques kilomètres du W2. A cette époque, l’histoire avait fait peu de bruit, car la plupart des villages alentours était évacuée. Les gens de la région n’apprirent seulement qu’en 1946 qu’une arme secrète était tombée à Allemant. Le témoignage d’un habitant de Terny-Sorny recueilli dans son fascicule par Jean Pierre Lépolard cite la présence d’un V1 sur wagonnet à l’entrée de la carrière à munitions du village. Cette carrière est une ancienne exploitation de pierre datant du 19ème siècle qui servi à la construction des villages alentours. Elle s’étale sur environ un hectare à une profondeur de dix à quinze mètres sous le banc de pierre. Comme à Laffaux les Allemands ont fortifié cette carrière pour en faire un dépôt de munitions. Une des entrées fut aménagée d’une voûte en béton et d’une voie Decauville. L’autre plus grande fut renforcée par des bétonnages importants. Dans celle-ci, l’occupant a construit plusieurs abris en béton armé pour servir de lieux d’habitation. Chacun de ces abris est équipé de système de ventilation avec filtres contre les gaz et portes blindées étanches. Un puit en béton muni d’échelles débouche sur une citerne d’eau contre les incendies et sur une sortie de secours. La carrière est divisée en deux parties distinctes par deux lourdes portes blindées. Des restes de wagonnets et les traces de murets anti-humidité prouvent que les lieux ont bien servi au stockage de munitions. Une bombe volante FZ 21 (V1) a une longueur de 7,5 mètres et une envergure de 5,10 mètres. Son transport se faisait avec les ailes démontées par train ou camion remorque sur plate-forme bâchée. La propulsion est fournie par un pulso réacteur Argus-Rohr As 014 Pulso-Schubrohr fonctionnant avec un mélange essence et air comprimé. Sa portée varie entre 500 et 600 kilomètres. Elle a besoin pour son lancement d’une rampe fixe ou mobile et de toute une infrastructure spécialisée ( salle de montage, salle de démagnétisation, stock de combustible pour la catapulte etc…). Le 17 juin à la conférence de Margival, Hitler dévoila sa stratégie sur l’emploi de ces nouvelles armes qui devaient mettre l’Angleterre à genoux. L’hypothèse de M. Lépolard se base sur l’existence de distillerie d’alcool dans la région de Soissons qui en faisait un site privilégié, l’approvisionnement en carburant synthétique aurait pu se faire plus rapidement. Autre argument avancé, est l’implantation du tunnel de Vauxaillon avec ses portes blindées qui en font un lieu idéal pour l’assemblage des bombes volantes et le camouflage d’une rampe mobile.
* Mon fils et moi devant le V1 sur sa rampe de lancement à Ardouval. (DL)
Pour mieux comprendre, il faut aussi savoir que les rampes fixes ou mobiles devaient impérativement être orientées sur la cible. L’axe Nord-Sud du tunnel de Vauxaillon ne permet pas cette orientation. De plus, aucune trace de travaux pouvant faire croire à une éventuelle installation de V1 à Margival ne fut découverte, contrairement à celle faite au Fort de la Pompelle près de Reims. J’ai eu l’occasion de me rendre sur la base de V1 d’Ardouval en Seine-Maritime où est restaurée une installation presque complète. Je n’ai pu constater de similitude entre les ouvrages de Margival et ceux d’Ardouval. Entre le 17 juin et le 28 août dates de l’évacuation de W2, les Allemands n’auraient pas eu le temps de construire les infrastructures nécessaires. Il était stupide de construire quelque chose qui serait devenue une cible prioritaire pour les Alliés près d’un poste de commandement aussi important que Margival. Des centaines de tonnes de bombes auraient été déversées sur la région. En outre, la résistance avait mission de saboter les voies de chemin de fer pour empêcher la montée de renforts en Normandie. Les gares de Laon, Tergnier et de Soissons furent plusieurs fois la cible de raids aériens. En août 44, un train contenant sûrement des réservoirs d’oxygène liquide ou du carburant pour fusées fut détruit dans la forêt de St Gobain par un avion allié. Toutes ses attaques démontraient la vulnérabilité des convois allemands. La chose vue à l’entrée de la carrière de Terny- Sorny ne peut être un V1 car les dimensions de la carrière ne permettent pas la manipulation d’engin de 7,5 mètres de longueur. L’accès à celle-ci se faisant par une route étroite et pentue, aurait rendu le déchargement très délicat. Pour conclure, les Allemands n’auraient jamais laissé un V1 intact tomber entre les mains des Alliés. Alors, pourquoi cette histoire ? Comme dans tout souvenir, il y a souvent un manque de références et de connaissances sur les choses vues qui peuvent déformer l’interprétation et les conclusions que l’on fait. Cet engin pouvait très bien être un conteneur pour munitions ou une cuve pour oxygène liquide qui ressemble à une grosse bombe, ou encore les restes du V1 tombés à Allemant, que les agents du SD auraient stockés et abandonnés là. Aujourd’hui, il n’existe sur le terrain aucune trace de construction qui pourrait étayer cette histoire, ni dans les récits de la résistance, qui fut très importante pour le dépistage des bases de V1. Pour les V2, l’hypothèse est encore plus invraisemblable car les premiers tirs furent effectués le 8 septembre 1944 à 6 h 38 du matin. A cette date Margival et la région étaient déjà libérés.
*Bunker de démagnétisation pour réglage du gyroscope à Ardouval. (DL),
*Dessin en coupe du FZ 21 V1 (DL)
Les dépôts de munitions cachés.
Cette dernière légende concerne des dépôts de munitions que les nazis ou les Alliés auraient enterré soit dans le camp ou aux alentours. Le nombre de carrières souterraines qui furent utilisées sur le site du W2 pour abriter les explosifs et armes sont au nombre de huit pour les plus importantes. Leur surface de stockage représente plusieurs hectares et le poids de toutes ces munitions plusieurs centaines de tonnes. Mais ces histoires furent pour moi les plus simples à controverser. La première parle d’un dépôt de munitions caché dans une carrière dont l’entrée aurait été dynamitée. Ce récit n’est autre qu’une confusion faite avec le dépôt de munitions allemand de Bernagousse près de Folembray. En effet, ceux-ci en août 44 firent sauter une partie de la carrière du même nom pour que les stocks qu’ils n’avaient pu évacuer ne tombent entre les mains des Américains. L’explosion creusa un très important cratère qui est toujours visible. Si des dépôts se trouvaient encore sur Margival ils n’auraient pas hésité à les détruire de la même manière. Pour l’histoire des munitions alliées jetées dans l’étang de Margival, il faut simplement savoir que cet étang fut creusé par l’armée française en 1972 pour bénéficier d’un plan d’eau utile à l’entraînement des commandos et que les troupes de l’OTAN ont quitté le camp en 1968. Comprenons bien que nous sommes sur le Chemin des Dames haut lieu de combats entre 1914 et 1918 et que des munitions non éclatées ou des stocks de cette époque sont encore enfouis dans les bois et creutes des alentours. Seule une personne au courant des types de matériel utilisés sur ces deux époques peut faire la distinction.
* Munition non explosées de 88mm Flak, et l’entrée de la carrière à munition de Laffaux. (DL)