Hitler en France le 17 juin 1944
La dernière venue d’Hitler en France n’a pris dans les livres d’histoire que peut de place. Bien souvent, un amalgame est fait avec les voyages qu’il fit dans le Nord de la France en juin 1940. Cette conférence à Margival le 17 juin 1944 est peu relaté, car un seul témoin en a transcrit les propos. Hans Speidel dans son livre « invasion 1944 » nous décrit le déroulement de la journée mais sans vraiment nous apporter de grandes révélations. Mais deux autres écrivains « Georges blond et Desmond Young » dans leurs ouvrages « le débarquement et Rommel » ont pu interroger plus longuement Hans Speidel et nous transmettre plus de détails. Il faut pour bien comprendre remettre dans le contexte de l’époque les faits. Nous sommes onze jours après le jour J. Les armées allemandes ne peuvent contenir la poussée alliée que difficilement et le Führer distribue les renforts au compte gouttes. Les deux officiers supérieurs responsables du front d’invasion sont Von Rundstedt chef de l’OBW et Rommel chef de la 15ème armée. Ces deux hommes ont une vision très opposée quand à la manière de repousser les Alliés. Von Rundstedt préconise une ligne de résistance en arrière du front pour lancer sur un appui solide une grande contre offensive. Rommel quant à lui demande que les Panzers divisions soient montées le plus près possible des plages de débarquement. Du 6 au 15 juin tous les deux vont individuellement vouloir avoir les faveurs du Führer. Le 15 juin Rommel fait parvenir en personne par l’intermédiaire du colonel Schumth, un rapport très détaillé sur la situation des troupes allemandes en Normandie. Dans ce rapport il défini l’hypothèse de se replier au-delà de l’Orne pour y installer une ligne de résistance élastique qui permettrai de préparer une contre attaque. Toutes les opérations montées depuis Rastenburg (Wolfschlantz) par Hitler ont échouées et les faibles renforts qui sont admis au front de Normandie sont détruits en grande partie par l’aviation alliée. Ce rapport pessimiste va pousser Hitler à convoquer ces maréchaux d’urgence à Margival le 17 juin. Cette réunion fut décidée subitement par le Führer car Rochus Mich dans son livre « j’étais garde du corps d’Hitler » déclare que le soir du 16 juin il appris que le Führer s’est rendu en France à Metz sans que le service ne soit prévenu.
· Hitler et Rommel en France en 1940. (Web)
Autre détail Hans Speidel décrit la scène où la nuit du 17 à trois heures du matin il apprend à Rommel qui rentre d’une inspection en Normandie, qu’ils ont rendez-vous avec Von Rundstedt au poste de combat W2 prés de Soissons à neuf heures. Pourquoi Hitler s’est t’il poser à Metz alors que trois des plus importants aérodromes allemands se trouvaient à quelques kilomètres du W2 ? L’espace aérien de l’Aisne est sous la domination des avions alliés et les aérodromes sont la cible de bombardement le 16 juin à 19h30. Le danger d’être intercepté était trop grand pour l’avion du Führer, l’escorte fit la route de nuit Metz- Margival en voiture blindée et elle arriva à huit heures du matin. Le Führerhauptquartier fut mis en état d’alerte le 16 en début de soirée et les patrouilles furent doublées. A la ferme de St Guilain qui était réquisitionnée pour alimenter le camp une patrouille passait toutes les heures. Ce détail aura son importance plus loin. Sur les neuf heures les deux maréchaux arrivent de la Roche Guyon et de St Germain en Lay. Les salutations de Hitler envers ces officiers sont très froides. Speidel décrit les traits tirés du Führer et la nervosité apparente qu’il montre. La conférence débute aussitôt dans la salle de travail du bunker. Rommel et Von Rundstedt vont faire leurs rapports sur la situation en Normandie. Hitler dans une apostrophe à Rommel insistera sur le manque de combativité des troupes en place sur les plages de débarquement. Celui-ci s’opposera au Führer et déclarera que celles-ci se sont battues tant que possible et que certaines sont actuellement encerclées sur leur point d’appui. Aux alentours de onze heures une sentinelle SS fit irruption dans la salle pour prévenir d’une alerte aérienne. Toutes les personnes se rendirent dans l’abri anti-aérien qui se trouve accolé à la salle de conférence et y restèrent jusqu’ à midi. Hitler fit un long discours sur les nouvelles armes secrètes qui bombardaient Londres depuis trois jours. Les V1 seraient pour lui l’arme de la victoire et les nouvelles qui devaient arriver, seraient encore plus puissantes. Rommel fit une intervention en demandant si cette nouvelle arme ne pouvait être utilisée sur le front d’invasion où les ports d’embarquement alliés. La présence du général Heinneman fut demandée par le Führer. Celui-ci détailla aux maréchaux le potentiel des V1 mais déclara que la dispersion des engins serait un danger pour les troupes au sol. En vérité les rampes de lancement étaient uniquement orientées sur Londres qui était la cible principale. A cette heure Hitler et les officiers ne savaient pas qu’un V1 était tombé à 4h30 le matin même sur la ferme de St Guilain dans le village de Allemant. Hitler aurait perdu la face devant ces maréchaux le cas contraire. Pour plus de détails voyons qui se trouvaient dans ce bunker le 17 juin 1944. Hitler avec les membres de sont état major le général Jodl et le colonel Schumth. Von Rundstedt et le général Blumentrit. Rommel et le général Speidel. Le général Heinneman et enfin les gardes SS chargés de la protection du Führer. Les rapports entre ces hommes ne sont pas pour améliorer l’ambiance. Von Rundstedt parle d’Hitler comme d’un caporal de bohême et de Rommel comme un boy scout. Rommel lui déteste l’aristocratie militaire dont fait parti Von Rundstedt. A midi tout le monde gagne le chalet qui est construit sur une plate forme à flan de colline au-dessus du bunker.
* salle de la conférence en septembre 1944 archives US.
Pendant le repas Hitler mangea des haricots verts, du riz et du fromage blanc. Speidel décrit qu’il avala plusieurs pilules pendant le repas et qu’il était agité de tremblements. Pendant le déjeuner, il fit un long monologue sur les nouvelles armes et les avions à réaction qui survolaient déjà le front de Normandie. Sur l’aérodrome de Juvincourt deux appareils ARRADO 234 avaient pour mission de photographier les plages du débarquement. A quatorze heures les membres furent invités à se rendre à nouveau dans le bunker.
C’est pendant cet après-midi que le ton changea entre Rommel et le Führer. Le maréchal fit une parenthèse sur les agissements des SS à Oradour sur Glane. Il lui demanda la possibilité de punir de tels agissements qui entachaient l’uniforme allemand et qui plaçaient la population française dans une attitude de rébellion envers l’occupant. La résistance de l’Aisne en ce mois de juin faisait sauter chaque nuit les lignes SNCF importantes et sabotait les communications téléphoniques. Mais ce qui mit Hitler le plus en colère fut la demande de Rommel de trouver une sortie politique à la guerre. Le Führer lui hurlade s’occuper du front d’invasion et que lui seul se chargeait de la politique. Une telle sortie était impossible aux nazis car comment expliquer aux Alliés les camps de concentrations et les millions de morts. Après ces interventions Hitler mis fin à la conférence à 16h 30. Les maréchaux et leurs états major reprirent la route. Avant de partir le colonel Schumth prit Rommel et Von Rundstedt a part et leur fit savoir qu’il allait convaincre le Führer d’organiser une visite le lendemain sur le front, pour qu’il se rende compte par lui-même et ainsi remonter le moral des troupes.
Nous savons par les écrits de Frédrich Ruge dans son livre « Rommel face au débarquement » que le 18, ils apprirent par l’OKW que la visite du Führer sur le front avait été annulée, car un FZ 76 (V1) avait fait explosion prés du poste de Commandement W2. Pourquoi Hitler s’est-il servi de l’incident du matin pour rentrer en Allemagne ? Le Führer en France en 1944 se trouvait à la merci d’un guetta pant préparé par la résistance. Le groupe Gauthier (OCM) de Coucy le Château arrêté le 8 juin avait préparé une opération de la sorte et puis le QG pouvait à n’importe quel moment être la cible des bombardiers alliés. L’alerte de onze heures prouve bien que le ciel leur appartenait. Jean Hallade dans son livre « la résistance était au rendez-vous » site le texte envoyé par un agent du SD allemand sur la venue du Führer.
* le bunker de transmission et celui d’Hitler en arrière plan. (Truttmant CEC 1978)
Celui-ci serait parti en avion à vingt deux heures de l’aérodrome de Crépi-Couvron dont les pistes avaient été remises en état. Mais il ne fait aucune mention de la chute du V1. Dans les archives allemandes nous pouvons trouver un rapport de Jodl daté du 17 juin envoyé de Berchtesgaden à vingt trois heures demandant qu’une enquête soit faite par le SD de Margival, sur la chute d’un FZ 76 tombé le 17 juin à 4h30. Une copie devant être transmise au chef de l’OKW. A quel moment Hitler fut-il mis au courant de la chute de cet engin ? Probablement à la fin de la conférence lorsqu’il visita les constructions du W2. Le curé de Margival monsieur Callewaert décédé maintenant, relatait que les services de protection avaient demandé au Führer de quitter le W2 pour des raisons de sécurité après la nouvelle de l’accident. Mais il racontait aussi que ce seraient les astrologues de Hitler qui l’auraient poussé à partir car cela était un mauvais présage. Nous ne pouvons pas croire de tels faits qui n’ont aucune preuve tangible. Beaucoup de légendes sur le camp de Margival ont perduré jusqu'à nos jours. Mais revenons à ce V1 qui tomba le 17 juin à 4h30 sur les terres de la ferme de St Guilain à Allemant. Un témoin encore vivant monsieur Bernard Adam m’a témoigné que ce matin là, il entendit un bruit bizarre dans le ciel au-dessus du village de Vaudesson situé à 3 kilomètres de Allemant. Sortant de sa cuisine il vit dans le ciel une flamme clignotante orange qui décrivait un cercle au-dessus de la colline. Après que la flamme se soit éteinte une formidable explosion et une lueur importante se fit en direction de Allemant. Au même moment monsieur André Leleu, exploitant de la ferme, fut ébranlé par une formidable explosion qui fit voler les vitres de la maison en éclats.
* bunker anti-aérien de l’entrée du camp au niveau du passage à niveau d’époque allemande. ( Truttman CEC 1978)
Ledé Didier membre de la société historique de Soissons, président le l’association de sauvegarde du W2